BOULEVARD DES ORANGERS – Mireille Piris

Extraits

Marcher dans les rues de Blida, c’est être en alerte, sur le qui-vive, oui, le qui-vive, c’est l’envie d’avoir des yeux à facettes comme les mouches, ou des antennes dans le dos, un instinct d’animal, une prémonition de chaque danger.

Et c’est dans le même temps cultiver l’insouciance, l’insolence, l’arrogance qu’il ne peut rien vous arriver, pas à vous, pas là, pas maintenant, parce que c’est juste insupportable d’y penser tout le temps.
Alors on oublie, on fait le boulevard, on va au ­cinéma, on va danser, jusqu’à ce qu’un petit grain fasse dérailler l’illusion, un couvre-feu plus tôt, un couvre-feu en plein jour, à midi même parfois, il faut rentrer chez vous, là, tout de suite, ou une rumeur, ou une détonation et ça recommence, le sauve-qui-peut, le qui-vive, le qui-vivra, le qui-vivra verra. Quoi ?

[…]

Heureusement il y avait les livres, il y avait tout dans les livres, des mots, des phrases, des fenêtres, des ciels, des pans de mur qui tombaient, des paysages, des sentiments inexplorés, des images comme des fleuves, des océans, des forêts.